top of page
Rechercher

La violence intériorisée

N’est pas faite seulement des émotions qui sont refoulées, ce sont aussi celles que l’on masque sous d’autres couverts, celles que l’on projette sur autrui par les plaintes et le mécontentement verbal généralisé, ainsi que celles que l’on fuit.


Le fait de ne pas vivre les émotions au fur et à mesure qu’elles se présentent entraine à long terme la difficulté à les réguler harmonieusement et les exprimer avec justesse.


Elle est une forme de violence intériorisée envers soi-même qui est à la source de bien des enjeux d’expression et difficultés relationnelles.


À force de suppression et de répression mais aussi de déni et de manipulations du registre émotionnel dans nos us et coutumes de société (où le registre émotionnel demeure souvent mal vu et accueilli), il devient facile de s’emmêler les pinceaux lorsque nous arrivons sur le terrain du ressenti et des mots pour l’exprimer.


Parce que nous avons, pour un certain nombre d’entre nous, appris à rationaliser le ressenti plutôt qu'à simplement le vivre, des termes comme empathie, compassion, émotion et sentiment sont utilisés à toutes les sauces et sans grand discernement.


Sans discernement de l’espace intérieur duquel ils proviennent.


Ainsi, l’émotion, qui est quelque chose de situationnel (ponctuel) et bien souvent relationnel (parce qu’elle repose sur un déclencheur), est confondue avec le sentiment qui lui est beaucoup plus profond et n’est pas forcément en lien avec la situation rencontrée ou des aspects dits « relationnels ». Un sentiment peut se manifester spontanément, sans cause ou raison particulière parce qu’il est au fondement de ce que nous sommes et ne dépend pas d’une situation ou de quelqu’un.


Comme la joie par exemple. On peut se lever le matin et se sentir en joie, sans raison particulière.


Il en est de même avec l’empathie et la compassion qui sont souvent confondues elles aussi. Surtout lorsque nous arrivons sur les terrains du développement personnel et de la spiritualité, où ces termes sont abondamment utilisés, afin de circonscrire et orienter des états intérieurs, voire des comportements, qui sont attendus ou souhaités.


L’empathie a particulièrement une grande couverture médiatique depuis quelques années. Illustrée comme une faculté, voire même parfois « un don », elle est décrite comme cette capacité de comprendre et de partager les émotions d'une autre personne, en se mettant à sa place et ressentir ce qu'elle ressent.


Certes, l’empathie est une compétence cruciale pour établir des liens significatifs, résoudre des conflits et créer des relations saines. Mais il nous faut aussi peut-être voir dans quel terreau elle a pris naissance.


L’enfant développe des liens d’attachement avec ses parents qui entrainent toutes sortes de mécanismes, tout dépendant de la façon dont ils se sont tissés. Il n’est pas rare de voir un des deux parents idéalisé, alors que l’autre sera noirci à l’excès. Pas rare de voir des enfants naviguer à travers des environnements familiaux toxiques, où ils devront apprendre à « lire » rapidement les états émotionnels des gens autour d’eux pour pouvoir naviguer en sécurité dans des climats instables.


Ces mécanismes orientent alors nos façons de ressentir les choses, les situations et… les gens.


Mais de quel espace tout cela part-il? D’un espace blessé et inconscient des enjeux du passé ou d’un espace ouvert qui a revisité ces enjeux et fait la paix avec ceux-ci?


En spiritualité, il y a parfois cette tendance à minimiser, quand ce n'est pas rejeter, les approches psychologiques traditionnelles (et même certaines plus récentes). Parce qu’il a été vu et reconnu que celles-ci ont d’importantes limites, de par leur propension à rationaliser les comportements et les justifier. Ou encore, à simplement fournir des techniques et outils pour réguler ponctuellement les débordements et envahissements émotionnels, sans nécessairement remonter à la source de ceux-ci.


Il est vrai que les approches psychologiques qui permettent d’aller à la rencontre des enjeux émotionnels enfouis plus profondément, en assurer leur libération, faire la paix et pardonner le passé ne sont pas les approches les plus courues. Encore aujourd’hui, les approches comportementales et béhavioristes demeurent celles qui sont le plus souvent offertes. Si celles-ci peuvent fournir des explications qui rassurent et fournir des outils de gestion du stress, de l’anxiété et autres états intérieurs inconfortables dans l’immédiat, elles parviennent rarement à modifier les comportements en profondeur et durablement.


Beaucoup de gens s’ouvrent d’ailleurs au développement personnel ainsi qu’à la spiritualité, après plusieurs années de démarches thérapeutiques dans des approches de ce types ou autres, qui tournent autour d’une façon fondamentalement « intellectuelle » de s’appréhender et se comprendre. Un jour ou l'autre, on finit par voir que s'injecter de l'insuline pour réguler son diabète est une mesure qui a d'importantes limites si cette démarche ne s'accompagne pas d'une remise en question de la diète alimentaire.


L'humain « sent », tout au fond de lui, qu'il y a autre chose, que la vie, ça ne peut être que ce lot de routines et de comportements répétitifs qui consistent à se lever, aller bosser, manger et dormir. Alors, la quête, en elle-même, n'est pas le problème et ne le sera jamais. Au contraire, lorsque bien orientée, elle est saine.


Cela dit, ce passage d’un domaine à l’autre est normal, certes, mais pas nécessairement bien orienté pour autant. Parce que l’humain a cette propension à jeter le bébé avec l’eau du bain, vouloir passer à autre chose rapidement pour finalement demeurer peu intéressé pendant une bonne partie de sa vie, à apprendre de son passé.


Pourtant, la « psychologie des profondeurs », notamment les approches psychanalytique et jungienne sont indissociables d’une vie spirituelle incarnée. Il est d’ailleurs déplorable qu’ici au Québec ces approches, ainsi que d’autres approches plus contemporaines comme la psychologie transpersonnelle, soient si peu enseignées, même parfois pas du tout, dans les universités. Alors qu’elles le sont chez nos voisins du sud ainsi que dans plusieurs autres pays du Commonwealth.


Mais bref, sans vouloir entrer dans un texte d’opinion sur le cursus universitaire en psychologie ce matin, l’idée ici était principalement de pointer une direction.


Celle du passé.


Chacune de nos vies sont des invitations à rebrousser chemin, revenir sur nos pas, pour mieux pouvoir avancer. Examiner notre passé pour voir à quel point individuellement et collectivement nous avons intériorisé une forme de violence à l’égard de nous-même au nom d’impératifs collectifs qui, s'ils peuvent être justes en partie, ne peuvent s’actualiser dans un mieux vivre les uns avec les autres qui en passe seulement par des règles de droit et des normes sociétales.


Pourquoi?


Parce que l’humain est vivant et que le vivant ça bouge continuellement. Le vivant a besoin d’espace pour vivre et s’exprimer, de relations pour croître et grandir, mais SURTOUT, il a besoin de se sentir en sécurité. Cette violence sourde qui gronde en chacun/e de nous continuera de se manifester à travers nos comportements et dans le monde, parce que nous continuons de balayer la poussière de notre passé sous le tapis plutôt que d’ouvrir portes et fenêtres, aérer la pièce et faire le ménage.


Tant que nous continuerons de faire reposer notre sentiment de sécurité sur des règles de droit, des normes et des façons de faire qui tentent d’uniformiser les situations et les gens toujours et encore plus, nous fonçons tête première dans un mur.


Il faudra un jour reconnaître que l’humain ne peut pas se mettre dans une petite boîte et qu’on ne peut lui apposer une étiquette, comme s’il était un produit. Que ce soit celle d’une pseudo-normalité ou toutes ces autres étiquettes qui se multiplient de nos jours pour tenter de circonscrire une espèce qui évolue, se transforme et devient oui, PLUS SENSIBLE.


Plus sensible aux déséquilibres grandissants d’un monde qui continue de renier, ou à tout le moins, continue de repousser les enjeux environnementaux que nous avons maintenant à rencontrer.


L’environnement, que nous parlions de ce grand jardin qu’est la Terre ou que nous parlions de notre jardin intérieur, nous ne nous en sommes pas beaucoup préoccupé au cours des derniers siècles. Trop occupés que nous étions à courir après le progrès scientifique et économique.


Aujourd’hui nous le léguons à de nouvelles générations que nous avons rendus plus sensibles, à force de nous être désensibilisés et de n’avoir pas écouté.


Ils récoltent ce que nous avons semé.


Prendre tous les enjeux qui sont là actuellement à « bras le corps » est une tâche titanesque, voire impossible pour une seule ou quelques générations et nous ne pouvons certainement pas leur reprocher d’être de plus en plus anxieux face à l’avenir. Perso, je n’en peux plus de tous ces gens de ma génération et de celles avant moi qui se plaignent des problèmes d’anxiété, de la fragilité ou la sensibilité des jeunes, ou encore de leur façon de vouloir aborder leur identité sexuelle.


Comme si les plus âgés avaient oublié comment eux aussi, lorsqu’ils étaient jeunes, ont voulu « changer et refaire le monde ». Qu’ils ne voient pas que c’est justement parce qu’ils l’ont fait, que ce monde change et que de nouvelles générations peuvent exprimer plus librement que nous avons pu le faire nous-même, qui ils sont ou ce qu’ils vivent,…


Mais comme nous n’avons pas fait que des bons coups et qu’au passage nous avons aussi commis des erreurs, il est normal qu’ils fassent face à de nouveaux enjeux. Qui sont différents de ceux que nous avons rencontrés.


Les textes qui s’écrivent ici ne visent pas à convaincre, convertir ou forcer qui que ce soit à quoique ce soit. Que ce soit d’être en accord ou non avec la vision qui se partage ou répondre aux invitations qui vous sont faites. Qu’il s’agisse de pistes de réflexion, les livres, vidéos, services ou outils proposés. Ils ne s’écrivent pas non plus pour m’assurer un revenu quelconque ni pour me procurer une reconnaissance professionnelle qui a déjà été rencontrée dans d’autres sphères d’activités par le passé.


En fait, je ne sais pas pourquoi j’écris et j’ai cessé de me poser la question depuis un bon moment déjà.


C’est évident que j’aime ça et la joie que cela me procure est fort certainement le moteur principal de mon action.


Mais c’est probablement aussi parce que je crois qu’il y a une certaine « vérité », bien que toujours relative, dans le propos qui se véhicule. Peut-être même une certaine utilité pour certains.


Enfin, je ne sais pas... 🤷🏻‍♀️


Ce que je sais cependant, c’est que l’invitation qui vous est faite régulièrement, de vous ouvrir à vous-même et de plonger dans votre intériorité, elle n’est pas faite seulement pour que vous réalisiez, par vous-même, les avantages que cela peut vous procurer, non.


Elle vous est faite parce que j’ai quand même pu mesurer dans ma vie quotidienne, les avantages que vous avez à le faire POUR LES AUTRES aussi.


Pour vos proches, les gens que vous aimez, ceux avec qui vous êtes en relation quotidiennement, ceux qui viennent à votre rencontre ou que vous croisez. Vous pourriez être surpris de l’effet papillon que cela pourrait avoir dans votre vie que d’aller à la rencontre intime de vous-même.


La violence que nous intériorisons finit toujours par déborder sur les autres autour de nous. Que ce soit à travers nos comportements, nos actions, nos façons de communiquer et nos paroles.


Parce que nous sommes des « vases communicants », je crois que maintenant plus que jamais, il est de notre responsabilité, individuellement et collectivement, d’aller voir de quoi nous avons rempli ce vase au fil du temps.


Ne serait-ce que pour pouvoir léguer autre chose aux générations futures que ce dont nous avons hérité.


Comprenez-moi bien: L’idée ici n’est pas de blâmer ou juger de ce que ma génération ou celles d’avant ont fait.


Non, parce que faire la paix et pardonner demeure le fondement d’une vie qui se vit paisiblement.


L’idée c’est de voir que nous faisons tous/toutes de notre mieux et au meilleur de nos capacités, mais que nonobstant ce fait, nous pouvons toujours améliorer les choses et ne pouvons rien prendre pour acquis.


Nous le voyons actuellement: Les reculs sont toujours possibles.


Certains reculs nous permettent de mieux bondir en avant parce qu’ils nous font voir ce qui ne fonctionne plus. Et lorsque je parle de rebrousser chemin c’est exactement à ça que je fais référence. Nous sommes actuellement à la croisée des chemins dans plusieurs aspects de notre vie en société et serons de plus en plus invités à sortir de notre zone de confort pour trouver de nouvelles façons de faire les choses quant à certaines, qui nous le voyons bien, ne fonctionnent plus.


Cela dit, il faut demeurer vigilant quant à ceux/celles qui cherchent à nous retourner à de plus vieilles façons de faire encore, ou à faire perdurer les façons actuelles, simplement pour pouvoir demeurer dans des postures confortables. Confortables pour une minorité, généralement celle qui détient le pouvoir économique et/ou politique.


Peu importe le domaine dans lequel vous œuvrez ou vos champs d’intérêts, que vous soyez sur le marché de l’emploi, aux études ou à la retraite, nous sommes tous liés par le grand jeu de la vie et cet univers dans lequel nous cohabitons tous/toutes.


Il est impossible d’y échapper, de s’en sortir, de s’exclure d’une matrice quelconque, si ce n’est que pour retomber dans une nouvelle. Un nouveau système, un nouveau lot de croyances, une nouvelle posture, un nouvel état d’esprit.


Vous pouvez croire que vous vous « élevez », vous vous « éveillez », vous vous « illuminez » si ça vous chante. Mais tout ça ne vise qu’à vous faire entrer dans une nouvelle petite boite à laquelle vous finirez par vous identifier.


L’éveil continue d’exister pour celui/celle qui continue de vouloir dormir et rêver.


Une fois le rêve embrassé, l’éveil disparaît et c’est l’inévitable retour au Réel du Moment.


Et s’il existe bien une séparation qui soit tenace et très difficile à faire disparaître, c’est celle entre le spirituel et le matériel, entre la religion et la science, entre l’imaginaire et les faits, entre le cœur et la raison. La guerre c’est en chacun/e de nous qu’elle se joue d’abord et c’est ensuite qu’elle se déverse, elle aussi, dans le monde.


Nous sommes des vases communicants…


C’est donc tous ensemble, lorsque nous cessons de lutter contre la violence, la renier, la fuir ou en juger que nous nous élevons collectivement.


Lorsque nous acceptons de voir que nous la portons tous/toutes en nous, individuellement, à différents degrés et cessons de la faire porter uniquement à quelques personnes, groupes, systèmes, pays ou sociétés.


Amrit



📸 L’hippopotame, malgré sa bouille inoffensive et sympathique, possède la réputation d’être l’animal le plus dangereux d’Afrique (après le moustique). Même si c’est une herbivore strict, il fauche annuellement plus de 500 vies humaines, selon ici.exploratv.ca (https://ici.exploratv.ca/blogue/hippo-animaux-dangereux-afrique-agressif/).

 
 
 

Comments


bottom of page