Notre histoire
- dianegagneamrit
- 1 août
- 10 min de lecture
Le « problème » avec le processus de désidentification de la forme (le fameux « je ne suis pas mon corps, mes pensées, mes émotions, mon histoire, etc. ») et la réidentification à l’Absolu (la Conscience ou tout autre concept référant à l’Unité) c’est qu’il peut facilement devenir déresponsabilisant et créer son lot de dérives et contournements.
Lorsque l’identification s’effondre, elle s’effondre!
Que reste-t-il?
Rien.
Donc, avant que d’autres réalisations ne viennent, et elles viendront, l’histoire devient comme une sorte d’épine dans le pied. Quelque chose dont la majorité des non-dualistes que j’ai rencontrés cherchent désespérément à se défaire ou tiennent absolument à « régler ».
Ce qui est une profonde erreur puisque l’histoire, que ce soit la nôtre ou celle de toute l’humanité, a beaucoup à nous apprendre.
Dans la vie il est IMPOSSIBLE de savoir où nous allons si nous ne savons pas d’où nous venons.
Impossible d’entrer dans un véritable espace de conscience si nous ne comprenons pas les tenants et aboutissants.
Aucune vision claire ne vient à celui/celle qui n’a pas compris et honoré son histoire.
Aucune compassion ne peut naître chez quelqu’un qui n’a pas profondément exploré la chaîne d’actions et de conséquences à laquelle nous participons tous/toutes dans la forme.
Aucun espace d’amour ne peut s’ouvrir chez celui/celle qui n’a pas vu la portée de ses propres gestes et paroles sur les autres, ainsi que ressenti jusque dans sa chair leurs effets pervers lorsque nous sommes personnellement heurtés ou blessés par ceux des autres.
La mémoire ne peut se dissoudre que chez celui/celle qui a réalisé à quel point le corps est un enregistreur qui garde TOUT. Mais pour cela, il faut savoir l’aimer suffisamment pour vouloir l’explorer sur tous ses angles et coutures.
L’abolition de la croyance en la séparation vient aussi avec la réalisation que tout est lié, que tout ce que nous sommes et faisons est intriqué, tissé serré. Et ça généralement, ça devrait ramener de la responsabilisation. Malheureusement, ce n'est pas vraiment cela que nous voyons actuellement. Nous voyons majoritairement des gens qui changent simplement de pôle d'identification, passant de « je suis un personnage » à « je suis l'Absolu ». Et toutes les nouvelles histoires qui se racontent avec.
L’histoire permet de voir et comprendre comment nous fonctionnons dans la forme. L’importance du déterminisme qui nous a forgé et nous habite. Elle nous permet de comprendre quelles sont les règles du jeu dans la forme, qui ne sont rien d’autre que les lois universelles sur lesquelles se basent l’univers manifesté auquel nous appartenons.
Vouloir se débarrasser de notre histoire c’est non seulement ne pas prendre acte et responsabilité mais en outre, c’est demeurer dans l’immaturité et la révolte propre à l’adolescence.
L’adolescent/e commence à se détacher de ses parents lorsqu’il veut devenir autonome. Pour cela, il devra développer un regard plus critique face à ses parents. C’est nécessaire s’il veut de défaire de leur autorité. Il devra aussi évaluer les valeurs qui lui ont été transmises et développer les siennes. Qu’est-ce qu’il veut devenir, véhiculer et transmettre, qu’est-ce qui lui tient à cœur? Quel genre d’individu il/elle veut être? Il devra, graduellement, prendre plus de responsabilités s’il veut devenir autonome.
Il devra S’ENGAGER d’avantage dans sa propre vie et ne plus laisser ses parents, ses professeurs et autres figures d’autorité faire les choses à sa place. L’engagement est nécessaire dans la vie. Ne serait-ce que de s'engager par rapport à soi-même...
Une grande partie de l’âge adulte est un processus d’exploration quant à de nouvelles façons de faire les choses, qui ne ressembleraient pas à celles du passé. Chaque humain cherche sa place dans la vie, cherche à écrire sa propre histoire. Nous sommes des scénaristes, des conteurs, des acteurs et mettons, chacun/e à notre manière, notre propre vie en scène.
Mais, ce qui n’est pas vu, compris, exprimé et dont les apprentissages ne sont pas intégrés se répète. C’est ça que l’histoire tant à nous enseigner et c’est pour ça qu’elle est aussi précieuse et importante.
Plusieurs individus demeurent figés dans la période de maturité émotionnelle propre à l’adolescence. Passant leur vie à juger de leur prochain, à se mesurer et se comparer. Demeurant prisonnier de l'importance que prend le sentiment d'appartenance à un groupe lorsque nous sommes adolescents, ils cherchent celui qui leur permettra de reproduire et revivre ce qu'ils ont vécu enfant ou au contraire, celui qui leur permettra de s'affranchir du clan familial et ce que celui-ci leur a fait vivre.
D’autres créeront leur propre famille, tentant de placer dans celle-ci le même genre d’espoirs: Faire pareil, ou encore, mieux ou autrement.
L’humain refuse l’autorité à la même hauteur qu’il la recherche.
Probablement parce qu’il ne comprend pas qu’elle se trouve en lui.
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Chaque être humain est l'autorité à laquelle il est soumis.
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Pour l’ego la liberté n’existe pas. C’est un mirage, une histoire qui se raconte sous la forme du libre-arbitre.
Quant à la liberté dont on parle tant en spiritualité? Elle n’est, elle aussi, qu’une liberté factice. C’est un sentiment, celui de se sentir libre intérieurement. Sentiment qui provient d’une permission que nous nous donnons à nous-même. Celle de s’affranchir du conditionnement créé par le groupe, peu importe lequel. Qu’il s’agisse de la famille, de la société, du regard de l’autre, c’est simplement d’arrêter de fixer son regard vers l’extérieur lorsque vient le temps de se comprendre, se définir ou d’agir.
Ce sentiment survient lorsque nous commençons à écouter notre autorité intérieure. Lorsque nous envisageons la possibilité d’abdiquer à celle-ci, de se rendre et de baisser les armes.
L’ego qui hisse le drapeau blanc permet à la personnalité de commencer à s’exprimer plus librement.
Cette permission que nous nous donnons en fait, c’est celle de progressivement sortir de la caverne.* Mais cette permission ne peut être qu’une véritable permission qu’après que nous ayons bien fait le tour de celle-ci. Sinon, nous aurons le réflexe de retourner à l’intérieur à chaque fois que l’inconnu du monde extérieur génèrera peurs et insécurités. Donc, avant de sortir de la caverne, il faudra examiner les fresques et peintures rupestres laissées à l’intérieur de celle-ci. Puisque ce sont elles qui nous donneront les pistes et indications qui permettront de trouver le chemin vers la sortie et élargir le champ de l'exploration.
Mais ne nous y trompons pas: Une fois que l’homme sort de sa caverne (au sens « d’homme des cavernes » et non pas au sens d'identité de genre), ce n’est que pour découvrir d’autres tableaux indicateurs et règles: Celles de la Nature.
Celles qui régissent la possibilité qu’il y ait une vie sur cette planète. Donc indirectement celles qui régissent aussi son organisme et le fait qu’il soit en vie. Ainsi que celles qui régissent l’univers dans lequel cette planète se trouve.
Il existe une autorité et des règles, que ça nous plaise ou non de l’entendre. Tout le monde de moindrement censé et intelligent voit et comprend que nous sommes régis par des lois naturelles et un ordre cosmique.
Un ordre plus grand que cet univers local que constitue la Terre.
Nous le comprenons tellement que toutes nos quêtes existentielles et scientifiques reposent sur nos tentatives d’en comprendre les rouages, le nommer et le circonscrire.
Les existentialistes, se divisant entre philosophes, religieux et spirituels se disputent sur le nom à donner à cette autorité, ses caractéristiques, sa forme (ou l'absence de celle-ci) ainsi que son « lieu de résidence ».
Les scientifiques, quant à eux, se disputent sur le fonctionnement objectif et la réalité de tout ça. Mais comme entre philosophes, religieux et spirituels, physique mécanique et quantique ne s’entendent pas…
La première tente d’organiser la matière en lois fixes et immuables et la seconde de démontrer que tout notre univers visible repose sur quelque chose qui bouge et vibre continuellement; l’énergie. Ce qui en ferait quelque chose de fondamentalement… vide.
Donc pas si « réel » que ça finalement!
Qui a raison, qui a tort? Qui dit vrai entre les philosophes, les religieux, les spirituels et les scientifiques?
Chacun tente d’asseoir sa position, sa crédibilité, sa notoriété, sa légitimité mais surtout son autorité. Parce que dans un débat où quelqu’un doit avoir tort pour que l’autre ait raison, il n’y a généralement pas de réelle écoute mais seulement quelqu'un qui veut dominer l'autre.
Mais il existe une chose sur laquelle, il y a quand même un consensus: Tout ça nous dépasse et nous sommes loin d’en avoir fait le tour et d’avoir tout compris.
Réaliser que nous ne sommes rien, qu’il n’y a pas de « moi auteur » et que tout ce que nous vivons relève du rêve, n’est vraiment pas quelque chose de si nouveau que ça lorsque nous y regardons à deux fois. Tout le monde a au moins eu une fois dans sa vie l’impression que la réalité dépasse la fiction et que certaines situations sont surréels ou relèvent du rêve. Ou l’inverse. Se réveiller d’un rêve en sueurs ou en pleurs tant il était réel, nous est tous/toutes déjà arrivé. Être dépassé ou en perte de repères, se sentir « dépossédé/e » de nous-même sont des expériences qui arrivent à chacun/e de nous un jour ou l'autre.
Alors, faut-il en passer par la réalisation non-duelle pour avoir compris le sens, ou l'absence de sens, de la vie?
Certes, la réalisation non-duelle pour certains est une expérience puissante. Un revirement, que dis-je un effondrement quant aux paradigmes à partir desquels la vie s’est vécue jusque là. Cela n’est pas à renier ou minimiser non plus et ce n’est pas le but de mon texte aujourd'hui. La question n’est donc pas de remettre en cause la véracité ou la légitimité de l’expérience mais bien de regarder plus attentivement ce que nous en faisons actuellement.
Parce qu’il semble être long avant de réaliser que c’est une expérience parmi tant d’autres qui fait aussi PARTIE de l’histoire. Redescendre du pinacle sur lequel cette expérience semble en amener plusieurs, peut être non seulement long mais aussi pénible.
La réalisation non-duelle devient trop souvent et malheureusement, une justification par excellence pour jouer au juge ou au philosophe quant à la façon dont le monde, l’humanité et les gens individuellement parlant, devraient agir ou se comporter. La réalisation non-duelle est devenue depuis quelques décennies le prérequis et la clé d'entrée pour avoir crédibilité, notoriété, légitimité mais surtout une certaine forme d'autorité ou d'influence dans le milieu spirituel. Si le cheminement ne s'est pas déroulé selon la « méthode Ramana Maharshi » ou que le vocabulaire de Nisargadatta Maharaj n'a pas été adopté, oubliez ça. Vous ne ferez pas partie du groupe, de la tribu.
Dans ce milieu, comme dans bien d’autres où il se créé toujours une sorte d'élite intellectuelle, pullule des gens qui passent leur temps à critiquer toutes les horreurs, les injustices et les iniquités de ce monde. Ces « grands penseurs » et « supra-conscients » en herbe attirent à eux ceux/celles qui sont encore en quête de groupes d'appartenance, en véhiculant un courant de pensée issue de ce passé qu'ils continuent de vouloir reproduire et perpétuer. Ils semblent tellement pressés de s’extraire de la matrice à la première révélation, qu’ils ne voient pas la raison qui sous-tend l’intérêt à demeurer accroché à cette réalisation.
S’extraire du poids et de l’autorité de la matrice, ne pas prendre responsabilité et ne pas s’engager permet de continuer à rêver. Cela permet aussi d’entretenir cet espoir de faire les choses mieux et/ou différemment.
Mais réaliser nos rêve et construire un monde nouveau, n’est-ce pas tous/toutes ce que nous souhaitions lorsque nous étions enfants et adolescent/e/s ?
Par conséquent, faut-il en passer par la réalisation non-duelle et s’extirper d’une matrice imaginaire afin de pouvoir réaliser ce que tout être humain, en son ÂME et CONSCIENCE porte en lui?
Sans vouloir généraliser non plus, derrière cette mascarade à laquelle nous assistons depuis quelques décennies avec la multiplication des enseignants en non-dualité, il y a quand même beaucoup d’enfants et d’adolescents dans des corps d’adultes.
Des gens qui ne voient pas le stade de maturité émotionnelle dans lequel leur histoire les maintient et les retient. Voulant devenir sage avant leur temps, ils croient que de se dissocier des réalités du corps et de la vie en s’immergeant dans la « conscience cosmique » leur fera sauver ce temps qui soudainement pour eux n’existe plus.
Et s’ils veulent tant se débarrasser de leur histoire, c’est peut-être parce qu’ils ne sont pas encore tout à fait prêt/e/s à aller à la rencontre de celle-ci.
Je ne sais pas, mais j’émets quelques hypothèses comme ça…
Ils ont peut-être besoin de vivre une vie incarnée dans un corps…
De vivre des hauts et des bas émotionnels…
Des épreuves qui leur demanderont de développer de la résilience.
Ils ont peut-être besoin de voir certains de leurs rêves se réaliser et d’autre se briser.
D’apprendre à se faire contredire et se faire dire NON. Afin de comprendre le rôle d’une autorité qui est là, fondamentalement, pour régir la vie en collectivité.
Peut-être aussi qu’ils ont besoin d’apprendre à utiliser leur mental et leur intellect avant de vouloir les faire taire ou les supprimer…
En fait, ils ont peut-être simplement besoin de vivre toutes sortes d’expériences et laisser ce processus qui s’appelle « la Vie » passer à travers eux et évoluer à son rythme?
Je ne sais pas, j’ai probablement tout faux parce que je ne sais pas grand chose finalement. Enfin de moins en moins... Cela dit, il existe un avantage qui vient avec le fait de ne pas savoir et c’est celui d’arrêter de vouloir prouver quoique ce soit à qui que ce soit. Ce que l’on sait on le sait pour soi, parce que cela provient du vécu.
Donc, à mon sens, c’est que c’est de VIVRE qui fait de nous des êtres plus conscients. Pas « d’Être la Pure Conscience ». La désidentification change certes la vision des choses et permet de prendre un pas de recul, mais elle ne change pas le vécu. Au contraire.
Quant à cet amour que l’on dit inconditionnel, et cette entrée dans la « 5D », parlons-en... Quelle beau leurre et quelle belle illusion!
Ne vouloir aucune condition et aucune limite à l’amour SONT DES CONDITIONS ET DES LIMITES en elles-mêmes. C'est l'enfant qui veut l'amour de son parent mais ne veut pas les limites et l'encadrement que celui-ci se doit de lui mettre pour sa propre sécurité.
C’est de ne pas savoir réellement ce qu’est l’amour et de s’y frotter encore et encore qui nous fait découvrir ce qu’il est véritablement.
Une ou quelques expériences spirituelles et/ou mystiques n’ont jamais fait de personne un saint ou une sainte.
C’est l’intégration de l’expérience dans le temps, à travers les actions, les comportements et L’HISTOIRE de la personne, qui révèlent la profondeur de la transformation.
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Nous avons besoin qu’une histoire se vive à travers nous. Une histoire faite de hauts et de bas, une histoire qui donne du sens et de la richesse à notre vie.
Une histoire que nous pourrons un jour, lorsque le temps viendra et que les circonstances y seront propices, raconter.
Afin de transmettre les apprentissages et la sagesse que celle-ci aura induite en nous.
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Un très beau mois d'août à vous,
Amrit
*référence à l’allégorie de la caverne de Platon.
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